Outre son expertise dans le digital et le traitement de la data, Cyril Garnier se distingue par sa connaissance des start-up. Un univers que l’ingénieur a côtoyé de près entre 2011 et 2018, lorsqu’il dirigeait SNCF Développement, la filiale du groupe ferroviaire qui accompagne des entreprises innovantes. Désormais indépendant, il porte différents projets avec un même objectif : soutenir les sociétés en croissance dans le secteur de la tech. Portrait de l’entrepreneur qui aide les entrepreneurs.
« Comment je me définis ? Comme le conseil privilégié de n’importe quelle entreprise en croissance dans l’univers de la tech. » En vrai scientifique, Cyril Garnierva droit au but. Ce quadragénaire le sait : son profil ne court pas les rues. Au-delà de sa renommée dans l’écosystème des start-up, l’ingénieur dispose de solides connaissances dans le secteur de l’informatique, de la data et de la « tech » en général. C’est lui qui, après avoir travaillé pour le programme de fidélité de grandes enseignes au début des années 2000, sera à l’origine de plusieurs services de la SNCF bien connus des voyageurs, comme l’application mobile ou les SMS d’information en temps réel… Un parcours grâce auquel il est, en 2011, légitime pour piloter SNCF Développement, la filiale du groupe qui accompagne les cheminots dans leurs ambitions entrepreneuriales. Une fonction à travers laquelle il apporte des conseils techniques mais aussi et surtout un éclairage pragmatique, optimiste et empli de bon sens aux différents projets soutenus par le programme. « Cyril est capable de saisir rapidement les éléments clés d’une situation complexe », note Gregory Bogacki, l’ancien directeur de l’innovation chez Pôle Emploi et avec qui il collabore depuis plusieurs années. Aux côtés des entrepreneurs qu’il accompagne – et dont certains sont aujourd’hui des amis fidèles –, cet hyperactif qui aime relever des challenges prend goût à « l’esprit start-up ». Jusqu’à décider de quitter la SNCF pour mener sa propre aventure entrepreneuriale et imaginer différents projets ayant tous la même finalité : apporter les solutions nécessaires aux entrepreneurs – stratégie, relation client, recrutement…– dans le digital.
L’expérience SS2I
« Cyril Garnier est un esprit libre, créatif et fonceur », assure Olivier Dion, le fondateur de OneCub, une société accompagnée par l’ingénieur. S’il est aujourd’hui reconnu comme un spécialiste de la tech, il n’a, au départ, aucun atome crochu avec l’informatique : « Plus jeune, je détestais ça ! Lors de mes études à l’école des Mines de Saint-Étienne, je voulais d’ailleurs travailler dans l’environnement. » Ce n’est qu’à l’occasion de travaux étudiants à travers lesquels il est chargé d’informatiser certains projets environnementaux qu’il s’intéresse au digital. « Un déclic » pour celui qui, dès les années 1990, perçoit l’immense potentiel d’Internet. Il imagine alors créer sa propre société. Conscient que le marché n’est pas encore mature et parce qu’il est déjà père de famille, il joue la carte de la sécurité en intégrant Umanis, une SS2I spécialisée dans l’information décisionnelle. « On expliquait aux entreprises comment mieux connaître leurs clients », se souvient l’ingénieur qui est alors chargé de proposer des solutions business. Parce que le projet est prometteur et qu’Internet prend de plus en plus d’ampleur, l’entreprise grandit de façon fulgurante jusqu’à entrer en bourse. Ses fondateurs s’inscrivent même parmi les plus grandes fortunes du pays. Seulement voilà : tout s’écroule avec la crise du début des années 2000. « Quand j’y repense, je me dis que ça devait forcément arriver », se souvient-il, confiant garder aujourd’hui encore en mémoire cette période délicate.
Une grande et vaste base de données pour la SNCF
Préférant quitter la société, Cyril Garnier intègre la filiale commune des groupes Casino et Shell dédiée à leur programme de fidélité. L’ingénieur découvre alors l’univers des grands opérateurs, dont il est chargé de gérer la data. C’est dans ce cadre qu’il contribue notamment à la création de S’Miles, un projet de fidélisation par points multi-enseigne, comprenant des marques comme BHV, Casino, Shell, Monoprix ou encore la SNCF. Lorsque, en 2004, le groupe ferroviaire lance une filiale (CRMServices) pour créer son propre programme de fidélité, Cyril Garnier propose sa candidature comme DSI. « Le challenge était important, puisqu’il s’agissait de mettre en place un système d’information à la pointe des nouvelles technologies, sachant que, en arrivant, on me demandait encore des évolutions pour le Minitel… », se souvient-il. Pas de quoi impressionner ce visionnaire. Rapidement, l’ingénieur rentre dans le bain : « On crée une grande base de données pour animer les relations avec les clients fréquents (grands voyageurs, 12-25…), exploiter les synergies potentielles avec les autres sites du groupe et concevoir des services à destination directe des utilisateurs. » Le projet voit le jour en quelques mois seulement. Une prouesse inédite en France et en Europe qui lui vaudra de recevoir le grand prix du Monde Informatique en 2006.
« C’est un esprit libre, créatif et fonceur »
Olivier Dion, fondateur de OneCub
Sortir de sa zone de confort
Un travail reconnu aussi en interne. Si bien que, en 2007, Cyril Garnier prend la tête de la filiale qui compte alors une trentaine de collaborateurs. Mais la crise des subprimes bouleverse l’économie mondiale. Un grand nombre de cadres sont obligés de quitter leur poste. « On me demande de construire un nouveau projet professionnel », explique-t-il, envisageant de créer une société dans l’innovation. Encore une fois, l’ingénieur sait que le marché n’est pas tout à fait prêt. En 2009, il rejoint la DRH de la SNCF. Sa mission ? Accompagner le départ des salariés du groupe touchés par la crise du fret et conseiller les cheminots désireux de monter un projet entrepreneurial. Pour ce faire, la société ferroviaire crée en 2011 une filiale dédiée : SNCF Développement, dont Cyril Garnier est très vite nommé directeur général. Une fonction qui le contraint à sortir de sa zone de confort et à s’acclimater à un nouvel univers. Celui des élus locaux, des préfectures et des chambres de Commerce. Il réalise alors l’incompréhension globale des enjeux autour des sujets numériques et du digital. « Je me demandais même comment on allait pouvoir faire bouger les choses, note-t-il. Je me suis donc mis à chercher des projets, à creuser des perspectives d’emploi dans le numérique… » Et ça marche.
« Sans lui, nous serions morts »
Au fur et à mesure, SNCF Développement soutient de plus en plus de start-up. Notamment dans la région de Calais. « Nous avions 400 emplois à créer à la suite de la fermeture de SeaFrance », explique Cyril Garnier. Pour redynamiser la région, il met en œuvre différents projets, comme l’implantation d’une école Simplon à Boulogne-sur-Mer. L’objectif ? Former à l’informatique les personnes exclues de la société. « C’était une idée folle », note l’ingénieur immédiatement convaincu par le potentiel du projet. Et il ne s’est pas trompé. Car l’école de Boulogne-sur-Mer trouve très vite son public. Un projet avantageux pour la région, mais aussi pour Simplon. Proche des fondateurs de la start-up, Cyril Garnier accompagnera le déploiement d’autres écoles aux quatre coins du pays. Quarante-huit établissements sont aujourd’hui ouverts sur tout le territoire national et 4800 personnes ont ainsi été formées au code. Si bien que la société, qui compte aujourd’hui 200 salariés, s’impose comme le leader du réseau « La Grande école du Numérique ». Une jolie réussite qui a permis à Simplon de lever 12 millions d’euros. Et ce n’est pas la seule entreprise qui doit une part de son succès à l’œil affûté de l’ingénieur. Entre 2010 et 2019, ce dernier aura accompagné 550 sociétés, dont 200 start-up. « Sans lui, nous serions morts », affirme sans détour Olivier Dion qui lui reconnaît un instinct business avant-gardiste et des qualités indéniables d’entremetteur.
Génération French Tech
Des qualités d’observateur aussi. En côtoyant l’écosystème de la tech et des start-up, Cyril Garnier remarque que chaque innovation qui fonctionne auprès du grand public a d’abord été plébiscitée par les acteurs du digital. « Je crois que si quelqu’un avait pu lire les emails de Steve Jobs, il aurait été en mesure de prédire l’avenir », explique-t-il. Avec ses connaissances du terrain, auxquelles s’ajoutent les solutions technologiques développées par les sociétés Oncub et Sidetrade, l’homme décide alors de mettre en lumière 1 000 start-up dont les services sont les plus utilisés par les « startuppers » eux-mêmes. Mille start-up qu’il répertorie dans le livre Génération French Tech – réalisé en partenariat avec Business France – dont le premier opus voit le jour en 2017 et qui sera téléchargé plus de 20 000 fois en l’espace de quelques mois. Un tournant important dans la vie de Cyril Garnier, qui gagne alors en visibilité et en notoriété. Un épisode qui lui donne définitivement envie de se lancer dans l’entrepreneuriat.
Accompagner la croissance des start-up
« Il y avait urgence à franchir le pas », assure-t-il avec son sourire habituel. Son projet ? Mettre sa connaissance aussi bien des grands groupes que des start-up d’une part et son expertise dans la tech d’autre part au profit des entreprises innovantes. Lucide, pragmatique et franc, il n’hésite pas à afficher ses convictions. Alors que certains ne jurent aujourd’hui que par la levée de fonds pour réussir, Cyril Garnier, lui, préconise une croissance « saine », reposant avant tout sur l’acquisition de clients. Gardant à l’esprit la crise de la fin des années 1990, il l’affirme : pour s’assurer un avenir stable, les entreprises – particulièrement celles qui misent sur une nouvelle technologie – ne doivent pas se focaliser uniquement sur le produit, mais penser à mettre en place un parcours client qualitatif et efficace. « Une société pourra avoir les meilleures solutions techniques, si celles-ci ne sont pas pas enrichies de services permettant d’accompagner les clients dans leur déploiement, cela ne marchera pas à long terme », explique-t-il.
« Il est capable de saisir rapidement les éléments clés d’une situation complexe »
Gregory Bogacki, l’ancien directeur de l’innovation, Pôle Emploi
Aiguiller les entrepreneurs
Aider les entrepreneurs à clarifier le parcours entre le produit et l’utilisateur : telle est donc l’ambition de Cyril Garnier, qui a plus largement vocation à aiguiller les start-up, à les encourager à prendre de la hauteur pour qu’elles répondent à un besoin réel. Une mission qu’il entend remplir de façon globale par du conseil, mais aussi via plusieurs services comme le recrutement et la mise en relation. « Il est l’une des rares personnes à être capable de créer du lien entre différents univers intrinsèquement différents », note Olivier Dion. Doté d’une forte capacité d’empathie, Cyril Garnier s’emploie à cerner l’intention de l’entrepreneur sans imposer sa propre vision. Une réalité dont témoigne Christian Frisch, CTO de Sidetrade : « Il essaye vraiment de comprendre ce qu’on fait. Il a su déceler le potentiel de notre solution et s’intéresser à l’humain, à l’esprit derrière le projet entrepreneurial. C’est très important. » Capable d’analyser et de traiter les points de blocage d’un business, Cyril Garnier est également attentif aux personnalités atypiques et désireuses de faire bouger les lignes. Avec son caractère entier, il s’engage pleinement et accorde une confiance totale à ses interlocuteurs. « C’est très appréciable quand on est entrepreneur », assurent de concert ceux qu’il aiguille depuis 10 ans.
Portrait Chinois
- Son livre préféré ? Le Tiers instruit, de Michel Serres
- Son film préféré ? Brazil, de Terry Gilliam
- Sa musique préférée ? Le bon, la brute et le truand d’Ennio Morricone
- Sa boisson préférée ? Le Tokaji Aszu (6 puttonyos)
- Sa citation préférée ? Pura Vida ! (devise du Costa Rica)
- L’objet qu’il emporterait avec lui sur une île déserte ? Le kit de plongée de Koh-Lanta
Retrouvez le site officiel de Cyril Garnier → https://cyrilgarnier.fr